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Le droit de vote des étrangers, l'arlésienne de la gauche au pouvoir

Promis par Mitterrand, voté par l'Assemblée en 2000 puis par le Sénat en 2011, le droit de vote des étrangers est une mesure que la gauche n'a jamais réussi à imposer.

Par Jonathan Parienté

Publié le 17 septembre 2012 à 18h37, modifié le 17 septembre 2012 à 20h24

Temps de Lecture 4 min.

Promis par Mitterrand, voté par l'Assemblée en 2000 puis par le Sénat en 2011, le droit de vote des étrangers est une mesure que la gauche n'a jamais réussi à imposer.

Pendant la campagne, Nicolas Sarkozy et ses proches avaient fait du droit de vote des étrangers un sujet de clivage fort entre droite et gauche, accusant cette dernière de favoriser le communautarisme ou de brader la citoyenneté.

Le parti socialiste détient désormais tous les pouvoirs, mais cette promesse de campagne de François Hollande ne semble plus être une priorité. Au point que 75 députés de la majorité ont signé une lettre exhortant les têtes de l'exécutif à respecter leur engagement en octroyant le droit de vote aux étrangers non-communautaires.

Lire : "L'appel de 75 députés PS"

Une promesse qui n'est pas nouvelle : toutes les majorités de gauche depuis plus de trois décennies ont assuré qu'elles donneraient le droit de vote aux étrangers aux élections locales. Sans jamais s'exécuter. Retour sur trente ans de promesses.

Lire : "L'exécutif hésite sur le droit de vote aux étrangers"

  • 1981 : une promesse que Mitterrand ne soumettra pas au Parlement

C'était la proposition n° 80 de François Mitterrand en 1981. Arrivé au pouvoir, les socialistes avaient promis le "droit de vote aux élections municipales après cinq ans de présence sur le territoire français". M. Mitterrand n'a jamais soumis cette mesure au Parlement, au motif que le Sénat, de droite, aurait bloqué le texte.

  • 1988 : "L'état des mœurs ne le permet pas"

En piste pour un second mandat, François Mitterrand a adopté une vision pragmatique de la mesure et admet que l'opinion n'est pas prête à laisser les étrangers voter aux élections locales. "Même si je sais que vous êtes, dans votre grande majorité, hostiles à une mesure de ce genre, je déplore personnellement que l'état de nos mœurs ne nous la permette pas", écrivait le premier président socialiste de la Ve République, dans sa Lettre aux Français.

Peu importe que Mitterrand renvoie le projet aux calendes grecques, le vote des étrangers reste un chiffon rouge qu'agite la droite. En meeting, le challenger Jacques Chirac n'oublie pas de déclarer son opposition viscérale au droit de vote, au nom de la "sauvegarde de l'identité nationale". Une rhétorique qui n'est pas très éloignée de celle employée par les soutiens de Nicolas Sarkozy en 2007 et en 2012.

  •  Droit de vote des étrangers communautaires

Parallèlement à ce débat qui agite cycliquement la gauche, les institutions européennes discutaient, elles, du droit de vote des étrangers venant de pays de l'Union européenne aux élections locales. Abordée pour la première fois en 1974 à l'occasion du Traité de Paris, la mesure ne sera gravée dans le marbre qu'en 1992 dans le Traité de Maastricht, puis transposée en droit français en 1998 et appliquée lors des élections européennes de 1999.

Lors de cette longue période de gestation de ces premiers pas vers une citoyenneté européenne, des associations de gauche ont déploré que le vote des ressortissants de l'UE masque le sort des étrangers extra-communautaires. Ainsi, en 1989, alors que la mesure est entérinée par la Commission européenne le président de SOS-racisme, un certain Harlem Désir, regrette que la mesure distingue, de fait, les "bons et les mauvais immigrés".

  • 1997 : la gauche plurielle remet l'ouvrage sur le métier

Alors que se profilent les élections législatives de 1998, le Parti socialiste remet à l'ordre du jour cette mesure du programme de François Mitterrand. Un vague compromis est trouvé au PS, où Lionel Jospin estime que, si le droit de vote des étrangers aux élections locales est "souhaitable", il n'est pas "réalisable" dans le cadre d'une cohabitation en 1998.

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Avec la dissolution de l'Assemblée nationale par Jacques Chirac, la cohabitation est en avance. En 1997, Lionel Jospin devient premier ministre. Un texte sur le droit de vote des étrangers est adopté par l'Assemblée nationale en 2000, mais M. Jospin renoncera à le transférer au Sénat, où la majorité de droite l'aurait rejeté.

  • Le soutien inattendu et temporaire de Nicolas Sarkozy

Durant sa campagne 2012, l'ancien président de la République niera à plusieurs reprises avoir été favorable au droit de vote des étrangers aux élections municipales. Pourtant, M. Sarkozy a, à deux reprises au moins, dit publiquement qu'il était favorable à une telle mesure. 

"A partir du moment où ils paient des impôts, où ils respectent nos lois, où ils vivent sous notre territoire depuis un temps minimum, par exemple de cinq années, je ne vois pas au nom de quelle logique nous pourrions les empêcher de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien", écrivait, en 2001 dans son livre Libre, celui qui allait devenir président de la République.

Une idée qu'il défendra à nouveau en 2005.

  • 2011 : le vote des étrangers au Sénat

 C'est l'opposé de 1997 : la droite détient – pour quelques mois encore – l'Assemblée nationale, et la gauche a ravi le Sénat à une droite qui y régnait de manière continue depuis le début de la Ve République. Le groupe socialiste y présente le même texte qu'en 2000. Il est adopté après des débats houleux, mais il n'avait aucune chance de s'appliquer.

Lire : "Vote des étrangers : pourquoi la mesure adoptée ne peut s'appliquer"

La portée symbolique de ce vote était revendiquée par un Parti socialiste en position de conquête du pouvoir. "J'accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans", a promis le candidat Hollande pendant la campagne. Désormais, une partie de sa majorité manifeste publiquement son impatience pour que ce texte promis depuis trente ans voie le jour.

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