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Le gouvernement veut étendre la vidéosurveillance dans toutes les villes de France

La vidéosurveillance est un des maillons essentiels de la politique de sécurité du gouvernement. Brice Hortefeux, qui a présenté, jeudi matin, les orientations de sa politique, l'a rappelé.

Par Isabelle Mandraud

Publié le 12 novembre 2009 à 12h36, modifié le 12 novembre 2009 à 16h43

Temps de Lecture 5 min.

Soixante mille caméras installées dans les rues de France d'ici à 2011, dont un millier à Paris, contre un parc global de 20 000 actuellement ; 28 millions d'euros consacrés au développement des projets. La vidéosurveillance est devenue l'un des maillons essentiels de la politique de sécurité du gouvernement. Brice Hortefeux, qui a présenté, jeudi 12 novembre, les orientations de sa politique, l'a rappelé.

Le ministre de l'intérieur, comme avant lui Michèle Alliot-Marie, a plusieurs fois annoncé le "triplement" du parc de caméras. Présentant, le 2 octobre, le plan national de prévention de la délinquance, le premier ministre, François Fillon, a qualifié la "vidéoprotection" de "priorité absolue" et a annoncé que le dispositif serait étendu à d'autres sites que la voie publique (parties communes des habitations, transports, commerce). Soixante-quinze nouvelles villes devraient être équipées dans les mois qui viennent. Le partenariat avec le secteur privé va être étendu.

En 2009, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) a prévu d'y consacrer une enveloppe de 28 millions d'euros sur un budget total de 37 millions. Le gouvernement parle de "vidéoprotection", un terme jugé moins agressif que celui de vidéosurveillance, mais la bataille n'est pas que sémantique.

RAPPORT CONTRE RAPPORT

En face, l'opposition grandit face à une politique jugée liberticide. Le collectif Démocratie et libertés, créé contre le plan de 1 226 caméras à Paris, a déjà réuni plus de 8 000 signatures. Un autre collectif, Souriez, vous êtes filmés, constitué depuis 1995, organise régulièrement des débats sur le sujet. Dans les conseils municipaux, les discussions sont animées et dépassent parfois le simple clivage gauche-droite.

Evoquant les questions de sécurité lors d'un déjeuner avec des élus de la majorité, le 15 septembre, Nicolas Sarkozy avait déclaré, selon l'un des participants, que le gouvernement trouverait les moyens de développer la vidéosurveillance "par-dessus la tête" des maires réticents…

A Bondy, en Seine-Saint-Denis, le maire PS, Gilbert Roger, a ouvert le débat au sein de son conseil municipal, un an avant l'installation des premières caméras.

Partisans et opposants s'affrontent aussi sur le terrain de l'efficacité de la vidéosurveillance. Dans un rapport commandé par le ministère de l'intérieur et rendu public en juillet, un inspecteur de l'administration, un responsable de la hiérarchie policière et un colonel de gendarmerie concluaient à une baisse de la délinquance plus forte, en moyenne, dans les communes équipées de vidéoprotection que dans celles qui ne le sont pas. A partir d'un échantillon composé de 53 communes en zone police (2 591 caméras), et 63 brigades de gendarmerie (1 257 caméras), ce rapport niait tout effet "plumeau", soit un effet de déplacement de la délinquance vers des zones non surveillées.

Toutefois, ses auteurs relevaient qu'il fallait une "forte densité" de caméras installées, et une localisation bien pensée, pour que ces dispositifs permettent l'interpellation de délinquants sur la voie publique. "Bien qu'ils apportent une aide indiscutable (…) leur impact sur le taux global d'élucidation reste encore modéré", avançaient-ils prudemment. En dessous d'une caméra pour 2 000 habitants, "les agressions progressent même plus que dans les villes qui n'ont aucun équipement"

Sous le titre "Un rapport qui ne prouve rien", deux universitaires se sont, eux, appliqués à démontrer l'inefficacité de cet outil. Tanguy Le Goff, chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP-CNRS), et Eric Heilmann, enseignant à l'université de Dijon, mettent en cause la méthode fondée sur des chiffres de délinquance générale qui recouvrent des délits très divers.

Ils estiment que la contribution de la vidéosurveillance à l'élucidation des faits est "marginale". "Dans l'échantillon retenu de 63 gendarmeries, 770 faits ont été élucidés grâce à la vidéosurveillance en 2008, soit 12 faits par an et par brigade, autrement dit un par mois", soulignent les chercheurs.

"PAS D'ÉTATS D'ÂME"

A Bondy, une première série d'une dizaine de caméras a été implantée en 2008, autour du quartier de la gare RER. Une seconde série est en cours d'installation dans un quartier où, selon le maire, "pas un commerçant n'a été attaqué au moins une fois". Comme partout ailleurs, le dossier technique, les implantations des caméras, leur nature, fixe ou mobile, ont été du ressort de la police. Les images parviennent ensuite, de nuit comme de jour, au siège de la police municipale et au commissariat de Bondy.

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"Je n'ai pas d'états d'âme", affirme le maire, Gilbert Roger qui indique que ces caméras ont permis notamment d'interpeller des auteurs de vol à l'arraché. Toutefois, l'élu constate que les chiffres de la délinquance sur sa commune, non seulement n'ont pas baissé mais continuent même de progresser. "Je ne sais pas si tout ça est 100 % efficace, dit-il, mais cela donne le sentiment d'être dissuasif. Avant, nous avions plus de rassemblements de jeunes adultes consommateurs d'alcool." A la demande des fonctionnaires municipaux, "pour les rassurer", des caméras ont même été installées à l'intérieur de l'Hôtel de Ville.

Mais tout ceci à un coût très lourd. La dizaine de caméras autour de la gare de Bondy a nécessité un budget de 100 000 euros, pris en charge à 60 % par l'Etat. "Comme il n'y avait pas beaucoup de projets en Seine-Saint-Denis, l'apport financier de l'Etat a été plus grand", rapporte-t-il. Ailleurs, c'est souvent moins.

Il faut ajouter les frais de télétransmission des images et le coût de trois fonctionnaires délégués à plein-temps pour regarder les écrans, en se relayant toutes les deux heures. Ces fonctionnaires de la mairie, installés dans les locaux de la police municipale, ont reçu un agrément spécial.

A Paris, le coût du plan de 1 226 caméras pourrait atteindre la somme globale de près de 300 millions d'euros sur une quinzaine d'années, générant sur ce seul aspect économique, de vives réserves d'élus. Et puis, il y a les frais d'entretien. A Sartrouville (Yvelines), sur les cinquante premières caméras installées, onze ont été détruites volontairement.

C'est, en tous les cas, un marché juteux pour les sociétés privées, sélectionnées sur appel d'offres, à qui sont confiées le parc des caméras. Selon le FIPD, la participation de l'Etat aux études préalables, aux frais d'installation ou d'extension des systèmes doit se situer entre "20 % et 50 % maximum" du montant des projets.

Intégrée depuis plusieurs années dans le travail quotidien de la police, la vidéosurveillance n'est pas "l'assurance absolue" de réussite d'élucidation des crimes et délits, notait le rapport commandé par le ministère. Les caméras du petit village de Bréau, en Seine-et-Marne, ont bien enregistré l'image du détenu Jean-Pierre Treiber. Mais à ce jour le fugitif, évadé de prison depuis le 8 septembre, court toujours.

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