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M. Besson veut restreindre les droits des sans-papiers

L'avant-projet de loi du ministre de l'immigration, que "Le Monde" s'est procuré, accroît la latitude de l'administration pour procéder à des mesures d'éloignement.

Par Laetitia Van Eeckhout

Publié le 12 février 2010 à 12h32, modifié le 12 février 2010 à 14h39

Temps de Lecture 4 min.

Le gouvernement s'apprête à restreindre, de façon sensible, les droits des étrangers sans titre de séjour, menacés d'expulsion. L'avant-projet de loi du ministre de l'immigration, Eric Besson, que Le Monde s'est procuré, accroît la latitude de l'administration pour procéder à des mesures d'éloignement. Prévu initialement pour transposer la directive européenne dite "Retour" fixant des règles communes pour organiser le départ des étrangers illégaux, le texte, qui devrait être présenté en conseil des ministres courant mars, va bien au-delà. "Ce projet de loi créé pour les étrangers un régime d'exception en matière de droits", s'alarme Stéphane Maugendre, président du Groupe d'information de soutien aux immigrés (Gisti).

Création de zones d'attente ad hoc. A la suite de l'arrivée de 123 kurdes, le 22 janvier, sur une plage du sud de la Corse, le ministre de l'immigration, Eric Besson avait annoncé des mesures pour faire face à des "afflux massifs et inopinés" d'étrangers en situation irrégulière. L'avant-projet de loi permet donc à l'administration de décréter "zone d'attente" de façon ad hoc, le lieu où sont découvertes "un ou plusieurs étrangers" arrivés "à la frontière en dehors d'un point de passage frontalier". Cette possibilité offerte à l'administration permet de légitimer la privation immédiate de liberté des personnes ce qui est le cas en zone d'attente, aujourd'hui réservées aux principales frontières aéroportuaires.

Accélération du processus d'éloignement. Aujourd'hui, un étranger en situation irrégulière soumis à une mesure d'expulsion – avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF) – dispose d'un délai de 30 jours pour déposer un recours, suspensif, devant le tribunal administratif. Désormais, l'autorité administrative pourra décider qu'il doit repartir "sans délai". L'étranger n'aura alors plus que 48 heures, contre un mois actuellement, pour déposer un recours.

Création d'une interdiction de retour sur le territoire français. Comme le prévoit la directive européenne, l'administration pourra désormais assortir l'OQTF d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans. Si l'étranger se maintient sur le territoire en dépit de son avis d'expulsion, ou s'il revient prématurément sur le territoire français, cette durée sera prolongée de deux ans.

Affaiblissement du rôle du juge des libertés et de la détention. Le projet de loi maintient deux ordres de juridictions – administrative et judiciaire – pour se prononcer sur la privation de liberté des étrangers en situation irrégulière mais il restreint fortement les prérogatives du juge judiciaire garant des libertés fondamentales. L'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD), qui doit se prononcer sur le maintien en rétention des étrangers, est repoussée: il ne sera saisi que 5 jours après le placement en rétention, contre 48 heures actuellement. Il pourra prolonger la rétention de 20 jours, au lieu de 15 aujourd'hui. Au terme de ce nouvelle délai, la rétention pourra encore être prolongée de 20 autres jours.

La durée maximale de rétention passe ainsi de 32 à 45 jours, comme le permet la directive "Retour" – elle prévoit une durée maximale de 18 mois. Par ailleurs, le JLD sera tenu de prendre en compte "des circonstance particulières liées notamment au placement en rétention d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatif à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet". Cette disposition permettra à l'administration de justifier de retard pris dans la notification aux étrangers de leurs droits. Elle pourrait ainsi empêcher que les JLD remettent en liberté pour cette raison les étrangers, comme ce fut le cas pour 123 kurdes découverts en Corse.

Amélioration des droits des travailleurs sans-papiers. Le salarié sans papier aura droit au titre de sa période d'emploi illicite, à un rappel de salaires sur trois mois minimum ainsi qu'à une indemnité de rupture du contrat de travail de trois mois, contre un mois aujourd'hui. Le donneur d'ordre pourra être tenu civilement responsable du paiement de ces indemnités s'il a été "condamné pour avoir recouru sciemment aux services d'un sous-traitant employant un étranger sans titre".

Lutte contre le travail illégal. La responsabilité pénale de l'emploi de travailleurs illégaux n'est toujours pas imputable aux donneurs d'ordre. Cependant les sous-traitants ont désormais l'obligation d'être agréés par leurs donneurs d'ordre. Cette disposition devrait amener les donneurs d'ordre à être plus vigilants sur les conditions d'emploi de leurs sous-traitants. Si ces derniers ne sont pas agréés, ils seront punis d'une amende de 7 500 euros.

Le texte octroie aux préfets le pouvoir de fermer "par décision motivée" et "pour une durée ne pouvant excéder six mois", une entreprise qui aura eu recours au travail illégal, qu'il s'agisse de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main d'œuvre ou d'emploi d'étranger sans titre de travail. Le préfet pourra également ordonner l'exclusion des marchés publics, d'une entreprise commettant ces même infractions, et ce pour six mois.

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Création d'une "carte bleue européenne". Le texte veut favoriser l'immigration choisie, un thème cher au président de la République. Il crée une "carte de séjour temporaire", de trois ans maximum, renouvelable, pour les étrangers titulaires d'un diplôme supérieur à la licence ou "d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans" et d'un contrat de travail d'au moins un an.

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